Maître d'oeuvre en production hydroélectrique, le Québec est en mesure de se démarquer du côté de l'énergie éolienne.
Avec la mise en fonction du parc d'éoliennes Le Nordais en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, le Québec est désormais la province qui produit le plus d'énergie à partir du vent. Et elle pourrait continuer sur sa lancée, car les conditions sont nettement favorables.
Selon l'Association canadienne de l'énergie éolienne, le Québec détient entre 60 et 80 % du potentiel éolien du pays (qui se chiffre à 4 500 MW), grâce aux meilleurs au Canada. Ici, les vents sont forts et constants.
Les chercheurs Gaëtan Lafrance et Emmanuelle Bertho de l'INRS, avancent un autre avantage de taille : " le long du golfe du Saint-Laurent, les vent ont l'avantage d'être prêts de lieux de consommation et de lignes de transport " écrivaient-ils dans la Revue de l'Energie à la fin de 1998.
C'est pourquoi le Nordais a été construit en bordure du fleuve. Au total, le projet de 160 M$ compte 133 turbines capables de fournir une puissance de 100 MW. En comparaison, le centrale thermique de Tracy a une puissance six fois plus grande et le complexe hydroélectrique Manic-Outarde génère plus de 5 500 MW
" C'est l'un des plus gros projets éoliens du monde " lance Marie-Josée Gagnon, directrice des communications pour AXOR, l'un des promoteurs du Nordais.
Aussi gros soit-il, ce projet ne propulse pas le Canada parmi les plus importants producteurs d'énergie éolienne. Le retard s'accentue même de plus en plus avec plusieurs pays, où la puissance installée grimpe en flèche.
En fait, l'énergie éolienne a connu la plus forte croissance des systèmes de production d'électricité entre 1990 et 1997 : 25,7 % contre 2,1 % pour le gaz naturel. Selon le Worldwatch Institute de Washington, la production éolienne mondiale a augmenté de 35 % en 1998 seulement, passant de 7 500 MW à 9 600 MW. L'organisme estime que la production mondiale atteindra 46 000 MW d'ici 2007
Pourquoi cet engouement ? Simple, l'energie éolienne est l'une des moins polluantes, un avantage qui gagne en importance dans le monde entier.
De plus, elle ne perturbe pas l'activité économique d'un territoire. Les agriculteurs peuvent continuer à cultiver leurs champs. Cela leur permet d'avoir un revenu supplémentaire et les assure qu'il n'y aura pas d'autres types d'exploitation, explique Guy Painchaud, président de GPCO, une firme d'experts-conseils en gestion de projets d'énergie renouvelable.
Les coûts chutent
Un autre facteur joue en faveur de l'énergie éolienne : les coûts de production, traditionnellement plus élevés, diminuent rapidement ces années-ci. L'énergie verte devient rentable !
" Il y a dix ans, le coût de production pouvait atteindre 0,30 $ US par kWh. Aujourd'hui, il varie entre 0,08 et 0,12 $ US " soulignait le président d'AXOR, Yvan Dupont, lors d'une allocution au Club Saint Denis de Montréal le printemps dernier.
Or, le Nordais fait encore mieux puisque les coûts de production sont de 0,058 $ CA. L'envergure du projet, le type et l'emplacement des turbines, les coûts de construction limités et un montage financier de qualité ont permis aux promoteurs d'atteindre ce prix.
" Nous avons la chance de partir au moment où l'énergie éolienne a fait ses preuves. Si on veut faire plus à long terme et profiter des retombées, il faut développer d'avantage ", affirme Mme Gagnon.
Mais la promotion de ce type d'énergie ne viendra pas d'Hydro-Québec. " L'hydro-électricité ne nous coûte que 0,03 $ le kWh à produire. Nous avons analysé les autres types de production et ils ne se comparent pas ", dit le président d'Hydro, André Caillé.
Il faut faire vite
La province a pourtant avantage à produire plus d'énergie éolienne puisque le gouvernement américain encourage fermement les producteurs et les distributeurs à faire appel aux énergies vertes. Dans certains Etats, les exigences environnementales s'annoncent plus grandes et l'hydroélectricité n'a pas toujours la cote.
Le Québec aurait donc intérêt à faire vite. D'ailleurs, la Régie de l'énergie s'est dit favorable à une plus importante production d'énegie éolienne, mais le gouvernement n'a toujours pas annoncé ses couleurs.
Le ministère des Ressources naturelles analyse toujours le dossier ... en tenant compte des recommandations de la Régie. Elle recommandait notamment que le gouvernement assume la différence entre le coût de production hydroélectrique et le coût de production éolienne (qui ne doit pas dépasser 0,058 $ du kWh)
D'ici là, les entreprises ayant acquis de l'expérience avec la mise en place du premier parc d'éoliennes sont en attente. " Le Nordais a créé un momentum, mais on est en train de prendre du retard " déplore l'entrepreneur Guy Painchaud.
Les Américains donnent le ton
Aux Etats-Unis, l'énergie éolienne a le vent dans les voiles, c'est le cas de le dire.
D'une puissance installée de 1 900 MW l'an dernier, les Américains veulent passer à 5 000 MW en 2005 (50 fois la capacité du parc Le Nordais). En fait, l'objectif est de fournir 5% des besoins en électricité à partir de l'énergie éolienne d'ici 2020.
Plusieurs Etats ont d'ailleurs adopté le Renewables Portfolio Standard, une politique qui vise à encourager l'utilisation de sources d'énergie renouvelables, comme les énergies éolienne et solaire.
L'administration Clinton vise à ce que 7,5 % du portefeuille énergétique des fournisseurs d'électricité proviennent d'énergies renouvelables d'ici 2010. Pour atteindre cet objectif, ils devront produire plus d'énergie verte ou acheter des crédits d'électricité renouvelable.
Cela risque de poser problème à Hydro-Québec lorsque viendra le temps d'exporter son électricité aux Etats-Unis, puisque l'application de la législation varie d'un Etat à l'autre. Le Connecticut, par exemple, ne considère pas l'hydroélectricité comme une énergie renouvelable alors que le Texas l'approuve !
Auteur : Stéphane Labrèche (nov 1999)
article envoyé par M. Fischer
voir aussi :
Le
parc éolien "Le Nordais"
Québec : Quintuplement de la
production